lundi 28 janvier 2008

Un goût d'Orient




La demi-inconsciente que j'étais n'avait prévu ni les difficultés d'approvisionnement, ni le délabrement des infrastructures, ni l'état des routes ! Sinueuses à souhait, état lamentable, trafic irresponsable et indications en cyrillique ! Le résultat m'obligea à revoir mon programme à la baisse et à renoncer à Mostar et à Serajevo. Je ne pouvais deviner qu'avec la future guerre je n'aurais plus jamais l'occasion de voir le pont de Mostar avant sa destruction.


Dubrovnik nous éblouit; il y avait quelques touristes (venus de Venise en bateau pour la plupart), des restaurants en terrasse, des guinguettes, bref un air plus familier; Toni, un jeune homme qui nous fit la conversation, apprit notre destination avec consternation: le Montenegro et le Kosovo, pour atteindre Skopje, la ville principale de Macédoine. A cette époque tous ces pays maintenant indépendants faisaient partie de la Yougoslavie. Il nous mit en garde " rien que des voleurs". Nous percevions mal les antagonismes religieux, Serbes orthodoxes, Croates catholiques, Kosovars musulmans. La terrible complexité de ce pays nous apparaissait diffuse et incompréhensible.


Nous avons dormi à Kotor, dans un camping digne d'un goulag, à deux pas de l'ïle Stevi Stefan, qui abritait à l'époque un luxueux club Med très fermé; le Montenegro se révéla montagneux, sombre, désert et sale; presque en panne de carburant à Pec, j'eus toutes les peines du monde à me faire servir par un Musulman qui voulait voir mon alliance (que je ne portais evidemment plus) et qui réunit tout le quartier autour de notre Peugeot; la visite du très beau monastère orthodoxe fut interdite aux garçons en short; dans la ville, ambiance orientale, souks bruyants et bariolés, charrettes tirées par des chevaux, femmes voilées, commerçants roublards (mais je connaissais les prix); les hommes entourèrent la voiture pour la jauger, estimant les pneus et les différents accessoires, sans faire attention à ma présence; Delphine et Marie, terrorisées, ne voulurent pas sortir de la voiture. Expérience d'une société arriérée fermée au monde. Je n'insistai pas, renonçai à Pristina, et mit le cap sur Skopje. Le camping y était dantesque, crasseux et bourré de routards occidentaux guère plus propres que les natifs : étape sur la "route"vers la Turquie et les paradis d'Asie. Skopje était une ville sinistrée par un grave tremblement de terre et reconstruite selon les plans communistes, grise et triste, pleine de militaires. Tous ces noms magiques sur les cartes se révélaient dans leur réalité crue.


Aucun commentaire: