lundi 31 mars 2008

Epilogue


Marc (mon petit garagiste), avec l'aide d'un ami carrossier, a rendu une apparence normale à la Jetta et je l'ai vendue comme prévu, au prix convenu; je pense que l'acheteur n'a pas fait une bonne affaire.

A part les pièces et les réparations de Marc, tous les frais ont été payés par Touring Assistance (hôtel, téléphone, taxi, main d'oeuvre).

Pour l'accident avec les vaches, j'ai fait intervenir ma protection juridique; un avocat s'est rendu sur les lieux et a constaté l'insolvabilité du fermier...

Jérôme n'a finalement pas fait sa vie avec Laurence.

Et j'ai remplacé ma fidèle Jetta par une belle Opel Astra rouge, avec laquelle j'ai eu plein d'ennuis !


Rebondissement


Nous voilà sur l'autoroute entre la frontière et Vienne; le pare-brise retrouvé me donne des ailes; nous chantons, nous rentrons au pays !

Encore une fois erreur...Tout à coup je sens la voiture tanguer et je me rabats sur la bande d'arrêt d'urgence, aussi vite que ma vitesse le permet, et je vois... ma roue arrière droit qui s'est détachée me précéder et mourir dans le fossé! Je n'en crois pas mes yeux ! Je tremble en réalisant à quoi nous venons d'échapper !

Laurence pleure et jure qu'elle ne montera plus dans cette voiture; elle veut prendre l'avion car l'aéroport est tout proche. Mais bien sûr, c'est impossible.

Pas de borne téléphonique de secours, aucune voiture ne s'arrête; un village se profile pas trop loin: nous partons à travers champs, Laurence pleurant parce qu'elle bousille ses fines sandales.

Au village, personne; finalement un hôtel ! Je téléphone à Touring Assistance "Encore vous ?" Eh oui... On m'envoie une dépanneuse et je prends un taxi pour retourner près de la voiture, et bien sûr je n'ai pas de shillings pour payer... (le taximan acceptera des DM et des piécettes autrichiennes).

Le dépanneur est un optimiste: bien sûr c'est réparable ! On charge la voiture et la roue et on nous conduit dans le garage agréé par Touring à Vienne. Après examen, même diagnostic: c'est réparable et Laurence devra donc remonter dans la voiture pour rentrer... Heureusement d'ailleurs, car dans le coffre j'ai 36 litres de vin maison et de tuica (dans des bidons d'eau distillée), destinés à Sorin, et je ne désire vraiment pas un inventaire avant rapatriement du véhicule !

Les aventures ne sont pas terminées; la voiture sera prête demain soir; nous avons l'adresse de l'hôtel agréé par Touring mais plus un shilling ! C'est ici que pour une fois Laurence se montre utile: elle fait du charme à deux jeunes gens qui viennent récupérer leur voiture au garage et ils nous emmènent gratis à l'hôtel - dans une superbe Mercédès !

Au restaurant Laurence s'endort sur son assiette, mais le lendemain nous sommes en forme toutes les deux et nous profitons de la journée pour visiter le château du Belvédère - à pied, il est proche de notre hôtel. Le reste est sans histoire.

Pare-brise épisode 5


Le matin on récupère la voiture et on repart; je maîtrise la situation me semble-t-il, puisque je connais la Hongrie par coeur et qu'une petite journée suffira à la traverser.

Une fois de plus, erreur ! A la périphérie de Budapest, un immense embouteillage, et j'apprends par un autre automobiliste qu'un grave accident bloque complètement l'entrée de la ville; on est détournés... par des routes que je ne connais pas ! Et c'est ici que je mesure toute ma solitude, car Laurence n'est pas capable de suivre la route sur un plan, et je roule donc un peu au hasard, concentrée sur mon pare-brise et le trafic. On traverse des banlieues industrielles déprimantes. Finalement, mon instinct de survie l'emporte et on se retrouve dans le centre ! Après l'inévitable arrêt sur les remparts (Laurence trouve tout magnifique et moi j'ai besoin de repos), de nouveau sur la route, et conduire dans ces conditions est une véritable épreuve.

A la frontière hongroise, pas trop de file, tout se passe bien; mais avec les Autrichiens, c'est une autre histoire ! Jusque là, pas un seul policier ou douanier ne s'est formalisé de l'état de mon pare-brise, mais l'Autrichien est prêt à m'interdire de rouler dans ces conditions...

De nouveau, il me faut expliquer mon problème dans mon allemand rudimentaire, ce qui ne va pas sans peine; heureusement j'ai le nom du garage sur un papier et il me met sur le chemin avec force recommandations.

Au garage, accueil charmant, un petit café et de vraies toilettes, en une demi-heure le pare-brise est remplacé...Quand j'écrirai cela à mes amis roumains, ils ne me croiront pas !

Dans ma précipitation, je n'ai pas changé d'argent à la frontière, il me reste quelques DM et pas de shillings autrichiens; mais je décide de rentrer d'une traite, et donc je n'ai pas besoin de shillings... On va voir que ce détail revêtira de l'importance !

Pare-brise épisode 4


Départ à l'aube pour arriver au garage autrichien avant 17 heures... Adieux déchirants ! Florin Turcu nous conseille d'éviter les grands postes frontières, où les files sont toujours très longues, et de sortir du pays par un petit village (dont j'ai oublié le nom), où l'on vient d'ouvrir un poste pour désengorger les autres. Je suis son conseil.

Très mauvais idée ! Arrivées à 10 heures, nous attendrons jusqu'à la nuit tombante, 20 heures... Sans manger, sans boire, sauf nos pauvres provisions, car il n'y a rien dans ce village, où la population est complètement dépassée par cet afflux nouveau de monde. Une épreuve supplémentaire et je vois s'éloigner mon rendez-vous en Autriche.

Quand nous passons enfin, il faut penser à dormir, je ne vais pas rouler de nuit avec la voiture dans cet état. Il y a bien un hôtel du côté hongrois, je trouve une chambre, mais le parking est à l'extérieur et je ne veux pas risquer de laisser ma voiture sans surveillance...

Cette fois, il me faut parler en allemand; ouf le patron de l'hôtel comprend mon problème et me conduit chez des amis, qui ont un jardin entouré de palissades; la voiture y passera la nuit, pour le prix d'une bouteille de vin roumain.

Nous mangeons dans un restaurant en plein air, et Laurence est tellement fatiguée qu'elle ne s'aperçoit pas qu'elle mange du porc, alors qu'elle a décrété qu'elle ne digérait que le poulet...

Pare-brise épisode 3




Le lendemain, à 07 heures, je suis dans le bureau du directeur de l'usine - qui avait bien insisté sur l'heure matinale, mais qui me fait quand même attendre une heure.


Très aimable, il demande à voir la voiture, sort son mètre de couturière de sa poche, prend les mesures, et à ma stupéfaction me propose un prix et...un délai d'une semaine; je lui explique (toujours par mon traducteur anglophone) que je veux un pare-brise VW d'origine et pas un bricolage, et qu'en plus je n'ai pas le temps, c'est bientôt la rentrée des classes et je suis prof.


Alors, toujours aussi aimable, il me conduit dans une sorte de réserve, où se trouvent de vieux pare-brise de récupération, et avec l'aide d'une secrétaire, cherche s'il n'y a pas dans ces débris une pare-brise VW. Et bien non, il n'y en a pas.


Je prends congé, consciente que j'ai perdu mon temps; et je téléphone à Touring Assistance, puisque je suis assurée; mais téléphoner à l'étranger n'est pas simple, à cette époque: il faut passer par une opératrice et attendre des heures avant d'avoir la communication...


Ah! Enfin une voix de chez moi qui parle français ! J'explique mon cas et on me propose d'envoyer le pare-brise par avion, car il n'y a pas un seul garage VW en Roumanie; le hic c'est que je dois aller le chercher à l'aéroport de Bucarest, car il paraît que les pièces de rechange disparaissent en chemin.


Bucarest est à 300 km; c'est une aberration de m'y rendre, et en plus, il faudrait trouver quelqu'un capable de placer ce pare-brise ! La Hongrie est toute proche: n'y aurait-il pas un garage VW en Hongrie ? Et bien non ! Le plus proche est en Autriche, juste après la frontière; alors je demande à Touring Assistance de me prendre un rendez-vous, que j'arriverai demain soir...


Pendant ce temps, tous mes amis viennent me rendre visite à Medias, Florin et Geta, les parents de Sorin, Florin Turcu. Et Laurence, toujours aussi enchantée, va en train visiter la ville moyenâgeuse de Sighisoara; le voyage n'est pas perdu pour tout le monde...

Pare-brise épisode 2


Après une bonne nuit, je joins Florin Halmaciu par téléphone; lui seul peut m'aider, car sa position de chef d'entreprise lui permet d'avoir des relations un peu partout, ce qui n'est pas le cas de Blondel, un jeune sans vrai travail (en fait, comme beaucoup de garçons de sa génération, il s'essaie à toutes sortes de petits trafics foireux).

Florin me prend deux rendez-vous: un avec le chef de la police d'Alba Julia, et un autre avec le directeur de l'unique usine de pare-brise en Roumanie, qui est par chance située à Medias; or je suis à Medias.

Le chef de la police ne se dérange pas, bien entendu, et c'est moi qui dois reprendre le volant pour refaire les 80 km qui me séparent d'Alba Julia; Blondel m'accompagne comme traducteur - mais il ne parle que l'anglais; vous voyez le topo. Le trajet est difficile, même en plein jour, et j'attrape un torticolis à me déhancher pour voir la route par-dessus l'impact sur le pare-brise.

Le bureau de police est un immense bâtiment à moitié vide, sale et négligé, où personne ne semble travailler, sauf une femme qui balaie nonchalamment; il faudrait quelques seaux d'eau et une bonne savonnée pour rendre tout cela un peu plus présentable.

Le chef est poli mais il me répète la même chose: la loi stipule que je dois prévoir les obstacles; c'est d'ailleurs vrai, car Florin Turcu, l'ami de Sorin, un peu plus tard, se retrouvera en prison pour avoir écrasé un ivrogne qui dormait sur la route, en pleine nuit.

Il accepte cependant de signer le constat européen d'accident que j'ai scrupuleusement rempli, petits dessins à l'appui; il sait que ça ne l'engage pas à grand-chose.

Avant de rentrer nous allons boire un verre dans un restaurant style boui-boui, particulièrement sale et délabré; Florin nous a toujours emmenés dans des restaurants de premier ordre que déjà je trouvais peu engageants... Ici c'est vraiment le taudis, mais on dirait que Blondel n'en est pas conscient. Et puis retour, et Virginie qui s'effondre de fatigue. Pendant ce temps, Laurence a visité la ville avec Corina et Nicoleta, et elle se déclare enchantée. Au moins une chose qui va.

Les vaches du destin




La première étape se passe sans trop de problèmes; Laurence me fatigue par ses bavardages incessants (Marie est une coéquipière qui dort presque sans arrêt) et nous arrivons épuisées, de nuit, dans un petit hôtel que je connais après Budapest (plus de 1000 km).


Le lendemain, passage de la frontière sans histoire; et on affronte les routes roumaines et leurs ornières. Mon but est Medias, où nous attendent Blondel et sa famille.


Un peu après Alba Julia, la route est large et droite, et je ne me méfie pas; tout à coup surgissent de la gauche des vaches en débandade; elles envahissent la chaussée en galopant (c'est le mot); je freine mais ne peux les éviter.


Voyez la photo: côté du conducteur défoncé, phare cassé, et coup de corne dans le pare-brise...


Heureusement nous ne sommes pas blessées, juste une grosse émotion, surtout pour Laurence, qui est, comme je le disais, sensible et délicate. La vache disparaît et je ne connaîtrai jamais son sort !


Mon sang-froid prend le dessus; une sorte de policier local vient aux nouvelles: j'exige un vrai constat de police et il téléphone à Alba Julia; longue attente, pendant laquelle nous mangeons de la ciorba chez la femme du policier. Les policiers de la ville sont désagréables et m'expliquent que la loi dit que je "dois prévoir les obstacles"; en fait je devine qu'ils veulent un bakchich mais je ne leur donne rien et je refuse de signer une déclaration comme quoi je serais en tort... Notez que tout cela se passe en roumain, que je suis loin de maîtriser parfaitement, mais la colère me fait trouver les mots.


Finalement tout est terminé à la nuit tombante et je repars dans cet équipage vers Medias, où Blondel, que j'ai réussi à prévenir par téléphone, m'attend à l'entrée de la ville, pour me guider dans le noir. 80 km sur des routes non éclairées avec le pare-brise dans cet état...

Roumanie 6, l'aventure intégrale


et inoubliable !

D'abord les protagonistes:

- la Jetta, dont le compteur atteint 250000 km ! J'ai commandé une Opel Astra (rouge), mais elle ne sera livrée qu'en automne; j'ai trouvé acquéreur pour la Jetta (en mentant sur son kilométrage réel), mais je la garde en attendant la livraison de l'Opel; et Marc mon garagiste me rassure: la Jetta est encore capable d'avaler les 3000 km roumains...

- Laurence: elle est la petite amie de Jérôme et ils veulent m'accompagner en cette fin août; mais voilà que Jérôme s'offre une seconde sess à l'univ, pas question de partir; Laurence est déçue, elle décide de partir seule avec moi. C'est une fille charmante mais délicate: allergique au gluten (pas de pain !), et je découvrirai qu'elle ne peut pas lire une carte pour me guider ni faire pipi à la bonne franquette dans les bois.

Toujours optimiste, je balaie les objections: on charge la voiture au max, ordinateur, vêtements, provisions, cadeaux divers de Sorin pour ses parents, et en route !

Rando et culture




On peut résumer les vacances avec Sorin de cette manière... A l'été 92 nous partons à Chamonix et il m'initie à la vraie rando en montagne. Dur dur, mes muscles souffrent, mais je tiens le coup; par contre le transylvain Sorin se révèle agile et résistant comme un bouquetin de son pays natal.


Après une semaine de ce régime, nous émigrons vers la côte d'Azur, par l'itinéraire des grands cols des Alpes, un régal de paysages sublimes. Installation à St Jeannet (camping rudimentaire à la ferme), près d'Antibes, pour rayonner sans fin. Les villes, Nice, Cannes, Monaco, les lieux des peintres, StPol de Vence, Vallauris, les musées(fondation Maeght, Matisse,Vasarely, Léger, Picasso, Chagall), les jardins (Monaco), les plages, les pinèdes, les villages cachés, impossible de tout citer, une débauche de découvertes en tous genres, sous un soleil de plomb. Sorin veut tout voir, lui qui a passé sa jeunesse enfermé dans un pays cadenassé. Sommet de la semaine: un concert de Keith Jarret à Juan-les-Pins, en plein air, au bord de la mer...


Et toujours une angoisse au moment de passer la frontière, car Sorin n'a pas encore de papiers lui permettant de quitter le pays !

dimanche 30 mars 2008

Au revoir !




Mais pas adieu, sauf pour Marie, car je crois que pour elle c'est le dernier séjour en Roumanie. Nous passons quelques jours chez les parents de Sorin, ce qui m'oblige à parler roumain, car ils ne partiquent ni le français ni l'anglais; et finalement je me débrouille avec cette langue très musicale et si proche du latin.


Nous repartons vers la Hongrie, paysages de puszta et routes en piteux état; arrêt dans un surprenant village roumain qui posséde une superbe cathédrale à deux clochers élancés - c'est en fait un sanctuaire de pélerinage pour une minorité hongroise catholique, une sorte de Lourdes local, avec bien sûr son lot de pauvres étals proposant des bondieuseries à cinq sous...


A Budapest, traditionnelle promenade sur les remparts !

Ethnographie à notre porte




A ce stade de mon récit, une petite réflexion; c'est déjà la quatrième fois que je me rends en Roumanie (et pas la dernière), et mes lecteurs pourraient se faire la réflexion que comme voyage de découvertes, c'est un peu lassant, qu'en fait je ne visite presque rien, et que ça commence à ressembler à des vacances où l'on retrouve des amis...


Ce n'est vrai qu'en apparence.


La Roumanie est géographiquement située en Europe, mais sur le plan social elle en est à mille lieues, marquée à la fois par l'influence turque (longue occupation) et l'isolement du communisme.


Les enfants et moi nous découvrons une société avec des habitudes et des conventions tellement éloignées des nôtres; et cela aussi c'est le voyage, être confronté à une vision de la vie étrangère à ce que l'on a vécu et qu'on croyait immuable, ou pire encore, supérieur ! Et savoir s'y adapter avec humour et souplesse.


C'est en Roumanie que nous avons appris à manger des préparations inconnues et surtout à nous en contenter ! Celui qui râle parce qu'il n'a pas son steak frites et sa bière fraîche n'a pas compris le monde, car rien de tel pour pénétrer un pays que goûter sa cuisine...
C'est aussi là-bas que tous les petits détails de la vie quotidienne nous sont apparus étrangers, c'est-à-dire inconnus, ce que nous n'avions jamais éprouvé auparavant dans les autres pays européens.


La Roumanie nous a donc réservé de grandes surprises sur le plan personnel, à défaut de sites spectaculaires. Ce voyage-là en valait bien un autre.


Photos: le père de Sorin dans son jardin, dont il était très fier, et qui pour nous, habitués aux potagers rectilignes, ressemblait à une brousse; et la bouteille d'eau sur la table, ne vous y trompez pas, elle contient de la tuica maison, et j'étais priée d'en boire ma ration avant le breakfast...

jeudi 27 mars 2008

Le pique-nique du siècle











Expédition en deux voitures un jour de soleil: les Halmaciu et nous (6 personnes), les parents de Sorin et les parents de Florin (4 personnes); arrêt dans un endroit sauvage, à proximité d'une pancarte "feu interdit" (à ma remarque, éclat de rire général; ici on se moque de la loi, du danger d'incendie, et on n'est pas écolo: on laisse ses déchets au bord de l'eau..)




Florin se fabrique une canne à pêche (il attrapera une truite), le père de Sorin cuisine sur un étrange barbecue dont l'origine doit être un accessoire de voiture.




Le rôle des femmes: la salade, et bavarder étendues sur les couvertures... Andreea et moi partons randonner (Marie fait la sieste), car mon esprit actif s'ennuie.




La campagne roumaine est belle, la montagne aussi; les villages sont loin de tout, au bout de pistes incertaines, de la terre, des cailloux et des nids de poule... On voit encore des puits à balancier, et les femmes lessivent dans les ruisseaux.

Roumanie 4, suite







A Sibiu je rencontre un autre ami de Sorin, Florin; lui et sa femme Monica, je les reverrai par la suite plusieurs fois. C'est la ronde des dîners à droite et à gauche, et puis les Halmaciu nous emmènent à Paltinis : sans neige, c'est un tout autre décor; rando, cueillette de myrtilles (avec un peigne), et pique-nique dans une prairie au bord de l'eau. Nous découvrons que le sport national des Roumains est de faire un barbecue à la campagne, n'importe où, pourvu que ce soit au bord de l'eau, et cette distraction toute simple du dimanche me rappelle les dimanches avec mes parents, dans les années cinquante...

Roumanie 4, suite




Retrouvailles avec Florin et Geta, heureux comme des rois avec notre cadeau, un simple percolateur; même s'ils sont des privilégiés de la société du moment, ils ne peuvent se procurer un tel objet ! Maintenant la Roumanie est comme la Belgique, tout se trouve en magasin, mais n'est pas accessible aux pauvres; à cette époque, avoir de l'argent ne suffisait pas, il n'y avait tout simplement rien à acheter...


Ils nous emmènent dans un endroit curieux, où subsistent des lacs salés comme la mer morte, réputés pour les soins du corps; très couru, baignades, bains de boue, jeux en famille, mais installations vétustes et sales; l'hôtel voisin, qui perpétue les soins Gerovital (dont la réputation est venue jusqu'à nous) est sinistre comme un hôpital abandonné et ne brille pas par l'hygiène générale...

Roumanie (4)







Au mois d'août, nouveau départ pour la Roumanie, avec Marie. Objectif: les Halmaciu, les parents de Sorin, et un ami de Sorin, Blondel, qui vient d'être papa d'une petite Roxana.



Nous emportons une cargaison de cadeaux divers, vêtements et provisions.



Blondel et sa femme Corina habitent Medias (prononcez Mediash), une petite ville au nord de Sibiu; c'est par là que nous commençons la visite; maison traditionnelle, et réception par toute la famille, mamy, soeur, beau-frère, neveu et voisins... Même pas le temps de visiter la ville. Nous nous sommes créées de nouvelles obligations, faudra revenir.

Que sont devenus tous ces amis d'une époque ? Roxana est une adolescente qui fait de la compétition de danse de salon; Corina et Blondel sont divorcés; Blondel a fait de la prison pour délits financiers; Supermamy a dû vendre sa maison pour éponger les dettes de son beau-fils; Nicoleta et Ovidiu n'ont jamais émigré au Canada ou en Afrique du sud, comme ils l'ont tant projeté; Andrei fait des études d'ingénieur (qui n'est pas ingénieur en Roumanie ?); je corresponds toujours avec Corina et Roxana, et elles m'ont rendu visite à Ligny en 2006.

mercredi 26 mars 2008

Etretat fille des peintres




Première découverte de la France pour Sorin; Amiens et sa cathédrale (un éblouissement pour un Roumain familier des églises orthodoxes), Etretat et son décor de falaises, la côte et les deux caps, Gris Nez et Blanc Nez... Tout cela peut nous paraître très ordinaire, mais pour lui qui n'a jamais quitté la Roumanie, c'est nouveau nouveau, un rêve entrevu dans les livres !


Au retour, grosse émotion: nous sommes arrêtés à la frontière papiers svp- et Sorin n'a pas le droit de quitter la Belgique; on fait les ignorants ah bon ! on ne savait pas... et ça passe.


Ameland




Juillet 91: un périple en Hollande, sous tente; pendant 11 ans, Sorin et moi nous pratiquerons le camping, pas seulement pour des raisons économiques: nous aimons cette vie au grand air et la liberté qu'elle procure.


Tous les grands musées d'Amsterdam, de Rotterdam, de La Haye et d'Otterloo y passent; nos goûts s'affirment: j'ai une préférence pour l'expressionnisme (mes lecteurs le savent déjà), et Sorin pour le surréalisme.


A Otterloo, grande ballade à vélo dans le parc Kröller Müller, où se trouve le musée Van Gogh; beauté de cette lande protégée si près de chez nous...


Mais le point fort est l'île d'Ameland (Frise), où nous restons coincés plus longtemps que prévu par manque de bateau... Vélo, marche et plaisirs simples de la nature; avec en prime cette sensation bien particulière de se trouver coupés du monde sur une île !

mardi 25 mars 2008

Compagnon pour une décennie


Sorin et moi avons trois passions communes: les livres, les montagnes et la peinture. Les livres font l'objet d'une autre saga, que j'écrirai peut-être un jour; nous allons arpenter ensemble les montagnes européennes pendant 10 ans; et la peinture va nous pousser à voyager, pour découvrir les grands musées. Nous ne quitterons jamais l'Europe, pour des raisons financières, et avons toujours reporté le rêve jamais réalisé de visiter New York.

En 91, le statut de réfugié (sans papiers) ne permet pas à Sorin de quitter le pays; alors on se limite à la découverte de la Belgique, du Grand Duché de Luxembourg et des Pays-Bas; je me souviens de son étonnement lorsqu'il voit pour la première fois le soleil se coucher sur la mer, à Ostende; c'est que sur la Mer Noire, le soleil se lève et ne se couche pas...

Son statut lui interdit aussi de retourner en Roumanie: il ne le fera qu'une fois naturalisé belge; en attendant je serai le lien entre sa famille et lui et je me rendrai plusieurs fois là-bas avec les enfants...

Budapest


A cette époque, pas encore de contournement de Budapest, la capitale hongroise, si bien qu'on est chaque fois obligé de traverser la ville pour se rendre en Roumanie, et je commence à connaître le centre par coeur... Faut dire qu'il est beau, le Parlement, et qu'on ne se lasse pas d'admirer le Danube.

L'autoroute qui traverse maintenant la Hongrie de part en part n'est pas terminée non plus, et nous prenons nos habitudes, arrêts au mêmes restaurants ou hôtels; on mange bien en Hongrie, et par rapport à la Roumanie, on trouve de tout. Dès la frontière roumaine, les routes sont un désastre, et il me faut autant de temps pour parcourir les 300 derniers kilomètres en Roumanie, que pour les 1200 en Allemagne, Autriche et Hongrie. A l'aller comme au retour, je mets deux jours. Fini de traverser la Yougoslavie, c'est la guerre...

Roumanie (3)






















Pâques 91: Jérôme et moi nous partons pour la Roumanie - toujours en voiture - en partie pour voir les Halmaciu, mais surtout pour ramener les objets personnels - livres, vêtements, tableaux- que Sorin n'a pu emporter en quittant son pays.






Visite de l'école de Geta (et apéro un peu trop arrosé chez son directeur), de l'entreprise de Florin (ah! le bureau du boss !); office de la nuit de Pâques (tous ces communistes sont très pieux); repas traditionnel (l'agneau entier qui attend sur le balcon de l'appartement); visite d'un monastère près de Fagaras (le clergé collaborateur du pouvoir n'a pas souffert pendant les années noires et les bâtiments sont somptueux); et réception fastueuse chez les parents de Sorin.






Nous voudrions faire plus de tourisme, mais comment refuser toutes ces invitations ?... vous arrivez en touriste et vous repartez en ami...

Le parfum des saucisses à l'ail


Souvenez-vous, au retour de Roumanie, je traîne dans mes bagages un lot de saucisses maison; pesonne n'en veut: ni Geta (un cadeau c'est sacré), ni Manu (beerk); et mon réflexe anti gaspi m'empêche de les jeter... je ne vous dis pas l'impact dans ma valise !

En Belgique je parviens à joindre le fils de la donatrice: il a fui la Roumanie, où il exerçait la fonction de secrétaire de direction dans un de ces journaux libres qui ont fleuri après la révolution; comme chacun le sait actuellement cette prétendue révolution est un habile coup d'état, et le nouveau président, Iliescu, a vite fait de faire rentrer dans l'ordre les naïfs qui ont cru entrevoir la liberté. Sorin (c'est son prénom) habite chez un ami, Romeo; il a introduit un dossier comme réfugié politique, et trouvé du travail dans une usine belge. Des relations d'amitié s'installent rapidement, et surtout, il me débarrasse des saucisses, qui pour lui ont un parfum ineffable de pays natal.

Photo: nouvelle émotion; Romeo est décédé dans un accident de voiture...

lundi 24 mars 2008

De nouveau Berlin











Les 11 et 12 février 91, nous revoilà à Berlin, Marie, Jérôme et moi, histoire de voir de nos yeux comment évolue la réunification; il neige, et les objectifs de Jérôme et Marie sont loin d'être vraiment culturels.




A la porte de Brandebourg, on circule librement entre l'est et l'ouest; le check point Charlie n'existe plus; le mur est réduit à quelques portions souvenirs, et l'on brocante dans la rue les reliques du passé.




Visite des grands musées et logement dans une pension de famille - souvenez-vous, la douche se trouvait au milieu de la chambre et les toilettes au fond du couloir...

La multi ani !




Réveillon bien arrosé chez Liviu et Rodica, des amis des Halmaciu, dans un appartement voisin. La tuica coule à flot, la nourriture suffirait à nourrir tout le quartier... Folle ambiance, amitié jamais retrouvée. Découverte des sarmale, le plat traditionnel, chou farci de viande hachée et de riz.


On fait la fête, sans savoir ce qui nous attend ! Le lendemain en route pour Bucarest, où l'on apprend que Tarom est toujours en grève ! Nuit tous entassés dans l'appartement exigu d'un ami de Florin, dont l'épouse travaille à l'aéroport, qui confirme au matin que notre vol ne partira pas. Manu et Philippe doivent rentrer, pour leur boulot. Pas d'autre solution que de se rendre au bureau Lufthansa, dans le centre, où l'on nous vend un billet retour au prix fort... Scènes de colère des passagers lésés... Attente dans un aéroport sale, dont les infrastructures sont indignes d'une capitale: toilettes sans portes ni éclairage, ni buvette ni restaurant - et à la fouille bagages, de jeunes douaniers qui réclament des cigarettes (une obsession à l'est); heureusement il paraît que l'aéroport a été reconstruit depuis cette époque !


Dans l'avion, le confort normal pour l'occident nous semble du luxe; joie de retrouver une bière fraîche et des toilettes correctes ! ma deuxième expérience en avion sera nettement meilleure que la première : pas de mal de l'air et repas de bonne qualité.

Rendez-vous avec le destin




A Fagaras, nous visitons la forteresse, très bien conservée - mais pas mise en valeur, musée tristounet et poussiéreux. Et puis repas inévitable chez les parents respectifs de nos hôtes. Alors que nous sommes attablés chez les parents de Florin, surgit une voisine en pleurs : son fils a émigré en Belgique, elle voudrait que je me charge d'une lettre. Comment refuser ce service ? En remerciement je reçois un gros paquet de saucisses à l'ail...


Je ne le sais pas encore, mais cette lettre va changer ma vie.

Hiver en Transylvanie











Florin nous attend à l'aéroport avec Flèche rouge, et tout de suite nous découvrons la Roumanie sous la neige... Les routes sont difficiles pour parvenir à Sibiu, et Florin nous fait peur avec les loups et les ours qui peuplent toujours les forêts ! Nouvelle panne d'essence, résolue comme celle du précédent séjour; les conditions ne se sont guère améliorées depuis 6 mois !




Heureusement la chaleur de l'accueil compense le froid ambiant; Philippe fait connaissance avec la tuica et le vin local.




Florin et Geta ont prévu une excursion à Paltinis, la station de montagne la plus proche de Sibiu; les villages sous la neige sont magnifiques (photo: Rasinari); à défaut de skier, tous au restaurant devant une brochette... Souvenirs, souvenirs !