jeudi 31 janvier 2008

Retour en arrière


Je ne peux m'empêcher d'apporter la preuve de la pêche miraculeuse évoquée par Jérôme dans un de ses messages ! Oui, c'était dans un lieu-dit appelé "Las Arenas", près de Santander; petites plages très agréables dans un décor typiquement breton; le soir il faisait glacial !
(Apparemment les crabes avaient servi de dessert, car il me semble voir dans les assiettes des os de côtelettes bien rongés)

Aventures portugaises











Le Portugal de cette époque était encore plus sale que la Yougoslavie...Dès la frontière, les routes devinrent un cauchemar: dégagement de poussière, nids de poule, accotements impraticables, dépassements de camions impossibles; les campings du bord de mer étaient d'immenses camps de romanichels qui débordaient sur les chemins et les plages; les installations sanitaires étaient pires que tout (une exclusivité: la douche-wc, en haut la pomme, en bas le trou, fallait bien viser, mais au fond c'était rationnel); l'océan était dangereux, les vagues énormes et les plages souillées de détritus; et pour couronner le tout les moustiques attaquaient en escadrilles entre 21h et 22h et il piquaient même au travers des chaussettes.
Notre sens de l'humour légendaire nous permit de tout supporter et d'apprécier les quelques points positifs: le soleil, les fruits en abondance, la morue avec patates à l'huile, le porto à prix dérisoire et les superbes azulejos.
Nous avons tout expérimenté: le camping à la plage, le camping à la montagne, les piscines douteuses, les restaurants populaires; nous avons vu Porto, Guarda et d'innombrables petits ports de pêche pittoresques; nous avons supporté la poussière, le trafic, le bruit, et miraculeusement personne n'est tombé malade, même pas notre petit asthmatique. Comme souvenirs, nous avons emporté des coqs en plâtre et des piqûres de moustique.
J'aurais bien poussé jusqu'à Coïmbra, mais j'ai renoncé à ce pays de cinglés et j'ai traversé une chaîne montagneuse aride pour passer la frontière espagnole avant Salamanca.
On n'avait pas vraiment perdu notre temps: on avait démythifié un pays qui passait alors pour paradisiaque et une vocation s'était éveillée: celle de Delphine pour la propreté.

Digression


Fidèles lecteurs, je fais ici une parenthèse, pour ne pas vous faire attendre jusqu'en 2008, année où va enfin se réaliser le projet de "faire" St Jacques à pied !

Un soir de fin de repas au restaurant, devant un verre de vin (un de trop ?), Seva et moi avons décidé de concrétiser ce projet- si toutefois on n'avait pas de mec au printemps 2008. C'est le cas, pas de mec (sérieux). Alors on s'exécute. Oh ! Bien sûr, pas la distance totale... Juste la via podiensis, du Puy-en-Velay à Conques, la plus belle partie, celle qui traverse le Massif Central, avec les touchantes églises romanes et les villages endormis. 210 kilomètres en 11 jours. Départ le 27 avril. Entraînement intensif dès maintenant. Si on n'agonise pas en cours de route, on repartira de Conques l'an prochain pour traverser les Pyrénées ! Fidèles lecteurs, c'est ici qu'il vous est suggéré d'applaudir.

Santiago de Compostel


Enfin nous y voilà ! Nous ne sommes pas déçus, ni par la ville, ni par la basilique. Ici chaque pierre est marquée par la ferveur des pélerins. Quelle est donc cette force qui pousse vers les extrêmes ? Un jour je viendrai comme au Moyen Age, comme il se doit, à pied ! En attendant, nous méritons bien notre coquille, car nous faisons même le détour par le Cap Finistère (oui, la fin de la terre, comme en Bretagne), là où la légende situe le débarquement de St Jacques. Et les petites routes sont épuisantes.

Une épreuve nous attend encore: le passage de la frontière portugaise; nous patientons des heures dans une file ininterrompue de voitures et de camions, sur le pont qui franchit le Rio Minho, frontière naturelle entre les deux pays. Et puis des formalités administratives à n'en plus finir... Bien oubliées avec l'Europe, toutes ces contraintes !

mercredi 30 janvier 2008

El camino







Pour parvenir à St Jacques, j'avais choisi le chemin de la côte (tout le nord de l'Espagne), qui me semblait plus adapté aux souhaits des enfants. Comme pour la Yougoslavie, j'avais sous-estimé les distances; la route était infernale, sinueuse, très fréquentée par les camions, peu intéressante; si on empruntait les petites routes côtières, c'était certes plus joli mais terriblement lent. Côté culturel, c'était assez pauvre: les grottes d'Altamira étaient fermées, les villages quelconques; les seuls sites valables : la petite ville de Santillana del Mar et la construction de Gaudi à Vicente de la Barquera. Je voulais passer quelques jours à randonner dans les Picos de Europa, il fallut y renoncer manque de temps. Heureusement les campings en bord de mer, dans des sites souvent éblouissants, nous ont procuré beaucoup de plaisir. Aucun luxe - vraiment cette région était très pauvre - mais cette simplicité nous plaisait. Côté approvisionnement, il y avait de tout, à des prix dérisoires. Le climat était de type belge, c'est-à-dire vivifiant.

Le pays basque espagnol


Souvenez-vous, je n'avais pas aimé la Costa Brava, ses buildings cages à touristes et ses plages sans âme; je voulais de l'authentique, des ports de pêche, des villes sans touristes: eh bien, au pays basque, j'ai été servie. La région était très pauvre, les seuls touristes autochtones. Les plages ressemblaient à la Bretagne et il n'y avait rien à faire ni à dépenser. Les enfants ramassaient des coquillages et je les cuisinais... Les poissonniers vendaient des moules géantes (à faire pâlir les zélandaises). Le soir au camping, les gens se groupaient autour d'un barbecue de poisson, et il se trouvait toujours un guitariste pour improviser et chanter; c'était à la fois très convivial et très cinéma Bunuel. On avait l'impression d'être sur la lune à des lieues de la Belgique.

Le pélerinage de Saint Jacques




A mes voyages, il fallait un but culturel ou même spirituel, tout en ménageant des possibilités d'amusement pour les enfants; en 84, j'ai choisi le pélerinage de St Jacques de Compostelle, en prévoyant de nombreux arrêts à la plage. En voiture, bien entendu, avec un crochet par le Portugal au retour.


J'avais 41 ans, toujours seule, toujours entreprenante et inconsciente; Manu, une fois de plus, préféra l'Angleterre. Départ à cinq, toujours la Peugeot et les malles sur le toit, la tente rafistolée et la petite canadienne des garçons. Ce matériel se montait très rapidement mais n'offrait aucune protection contre la pluie...


Il fallait d'abord traverser la France; arrêt dans la forêt de Fontainebleau, puis à Azay-le-Rideau; on y essuya un terrible orage - pendant le spectacle son et lumière au château - et le camping fut inondé, mais pas nous, car je nous avais installés sur une hauteur ! Ensuite Arcachon - dégustation d'huîtres - et la fameuse dune de Pyla, la plus haute d'Europe. Puis les Landes, Biarritz, et l'Espagne.


Ni l'Espagne ni le Portugal n'avaient, à cette époque, rejoint l'union européenne. Si bien que les prix étaient très bas - juste ce qui convenait à ma bourse !

Aventure dans les Vosges




Juillet 84: je décide de me moderniser et je remplace la vieille tente de papa, décidément trop lourde et peu pratique, par une tente plus légère ... et bon marché, ce qui n'est pas vraiment un bon calcul. Mais voilà, on n'est pas riches...


On décide de l'expérimenter en juillet, avant le grand départ; protagonistes: Manu et Marie, les garçons sont au camp du patro, et Delphine à un camp sportif.


Objectif: les Vosges, nature et culture, rando et musées; la Schlucht, Gerardmer, Colmar, Strasbourg, Riquewhir, le Haut Koenigsburg... Une nuit, un malotru trébuche dans nos tendeurs et le mât central (peu solide, je vous l'accorde) se casse en deux; voilà la toile sur nos têtes, en plein sommeil ! On ne trouvera jamais le coupable, et le mât étant irréparable, nous terminons le séjour dans un petit hôtel...


(La tente survécut encore longtemps, car je remplaçai le mât par un piquet récupéré sur la vieille tente; ce n'était pas la bonne dimension, mais on s'en est sortis ! j'étais devenue la reine de la bricole)

En attendant l'été







L'habitude est prise de partir en escapade à chaque congé scolaire; j'épargne ici les virées d'un jour à Paris ou en Belgique; aux vacances de Noël, nous voilà à Berdorf (logement à la ferme), Luxembourg et Trèves; à Pâques, en camping à Etretat...Une chance, il y a du soleil !

mardi 29 janvier 2008

Les lacs de Plitvice


Encore un site que personne ne connaît ! Pourtant une vraie merveille, située en Croatie: un parc national boisé, entourant une série de lacs reliés entre eux par des cascades; promenades à l'infini, à pied ou en barque, aires de pique-nique, barbecues et restauration en plein air - ah! les cevapcici !

Le camping est immense, comme celui de Belgrade, où nous avons fait étape; à notre grande surprise, des dames bien mises viennent quémander du café ou du thé auprès des quelques touristes étrangers, allemands pour la plupart; c'est qu'on manque de tout à l'intérieur du pays, plus encore qu'à la côte; dans les rares magasins, rayons vides ou collection de conserves périmées.

Des grand-mères vendent des crêpes maison, et proposent même de l'alcool artisanal contre quelques DM, la monnaie forte du moment. Je retrouverai cette ambiance de pénurie dix ans plus tard, lors de mes nombreux voyages en Roumanie.

Ce sera notre denière étape, avant le retour par les autoroutes autrichiennes et allemandes. Notre périple suscitera plus d'inquiétude que d'admiration: autour de nous on ne comprend pas ce désir d'aventure qui me tenaille: c'est tellement mieux de partir en voyage organisé et de n'avoir rien à penser ! Ce n'est pas mon avis: moi ce que j'aime, justement, c'est la difficulté. Oui certains soirs je ne savais pas où nous allions dormir ou manger, et avec des enfants, on ne s'arrête pas n'importe où....Non je ne connais pas les langues étrangères, juste quelques mots d'anglais et d'allemand. Ma fierté et mon bonheur, c'est d'avoir surmonté tous les problèmes, d'avoir mis des images sur les noms magiques des cartes, d'avoir rencontré la vie des gens ordinaires, et d'avoir vagabondé en toute liberté.

Sans oublier que côté budget, je m'en sortais avec les honneurs.

Les amoureux d'Ohrid




Adieu la Grèce et rebonjour la Yougoslavie. J'ai toujours été fascinée par l'Albanie; ce pays très fermé était inaccessible, mais j'ai contourné le problème en me rendant au lac d'Ohrid, qui marque la frontière avec la Macédoine; des rives du lac, on peut admirer les montagnes du pays des Aigles et peut-être apercevoir les bunkers qui le défendent.


Ce lac d'Ohrid est inconnu de la plupart des voyageurs à qui j'en ai parlé; c'est pourtant un site splendide, parsemé de chapelles orthodoxes; l'eau du lac est aussi pure que celle du Baïkal en Sibérie et les touristes sont uniquement autochtones.


Le camping était situé dans un décor enchanteur, mais les infrastructures, pourtant presque neuves, sont déjà bien délabrées; pas de problème, nous avons maintenant l'habitude du style communiste. Nous nous lions d'amitié avec nos voisins, un couple d'étudiants, Tania et Juba; elle est serbe de Belgrade et lui macédonien de Skopje; quand ils se chamaillent, elle le traite de sauvage et lui de snob: déjà les prémisses de la guerre !

Ils n'ont qu'une vieille tente vide et sont fascinés par notre matériel pourtant bien modeste; ils ne connaissent rien du monde occidental et nous rien de la vie quotidienne dans un pays communiste... les échanges sont passionnants. Grâce à eux nous visitons les églises fermées de la ville d'Ohrid, car ils connaissent la manière de trouver le bedeau, et un musée historique dédié à la haine des Turcs et à la gloire de Tito. Surtout nous dénichons une boucherie ! Nous leur cuisinons de vraies boulettes belges avec des frites et eux nous apprennent à préparer la limonade avec des sachets de poudre. Quelques jours magnifiques au bord de ce lac.

Un bref échange de courrier, et puis le silence. J'ai souvent pensé à eux pendant cette affreuse guerre. Que sont-ils devenus ?

Les Météores


Bien obligés d'amorcer le retour... Nous partons vers le nord, et j'ai le souvenir d'un trafic dément sur des routes en mauvais état, et d'une signalisation en grec parfois sybilline (ce n'est pas la même chose de lire Homère dans le texte que de déchiffrer des pancartes tout en conduisant).

Les Météores, ces monastères orthodoxes perchés sur des pitons rocheux ne sont pas décevants; on s'amuse autant à la grimpette qu'à la visite, où un moine voyeur, à l'entrée, nous oblige à revêtir des cache-poussières de femme de ménage, pour cacher nos bras et jambes nues... La petite ville toute proche est charmante, restos en plein air, musique des bouzoukis, parfum des brochettes; au camping, une piscine ! Il faut faire le plein d'impressions positives, car que nous réserve la suite ? Nous restons plusieurs jours et visitons cinq monastères !

lundi 28 janvier 2008

L'émotion de l'humaniste




Après l'épisode Corfou, en route vers le vrai but du voyage: les grands sites archéologiques grecs ! Encore une fois, je dois modérer mes ambitions et faire des choix. Ce sera le canal de Corinthe, Delphes (un des plus beaux sites du monde, je peux le dire maintenant que j'ai parcouru la planète), le monastère d'Ossios Loukas perdu dans la montagne, Marathon, et bien sûr Athènes. La ville est polluée et poussiéreuse, mais le Parthénon ! Lorsque je passe les Propylées et foule le sol sacré, moi qui ai baigné dans la culture grecque pendant toutes mes études, je dois m'asseoir, terrassée par l'émotion devant ce monument aux proportions admirables, symbole d'une civilisation à laquelle nous devons tout. Mais on a bien oublié cela.


A Delphes comme à Athènes, les cars déversent des hordes de touristes envahissants, mal polis, bruyants; je me jure bien de ne jamais faire partie de tels groupes et de toujours voyager avec ma voiture, en individuel. Mais l'avenir réserve parfois des surprises.


Nous campons dans un endroit idyllique, sous la vigne - les raisins sont mûrs, il n'y a qu'à se servir - et nous trouvons enfin une boucherie, mais les biftecks sont durs comme la pierre... Le soleil brille et la retsina coûte moins cher que l'eau ! Pélerinage à Sounion, au coucher de soleil, tout cela est admirable et nous paie de nos déboires en pays communiste.

A la recherche de l'Aréthuse







Durant mon enfance, j'étais fanatique d'une série pour la jeunesse "cinq jeunes filles", qui parcouraient la Méditerranée sur un voilier nommé l'Aréthuse, hommage à cette nymphe de la mer. Merci à Georges G.Toudouze, l'auteur de cette série, marin, historien, archéologue, qui, au travers des aventures très documentées de ces cinq filles intrépides, a éveillé mon goût pour l'antiquité.



L'Aréthuse avait comme base Corfou et Ithaque: tout naturellement Corfou devint notre étape suivante.



J'avais réservé pour une semaine, depuis la Belgique, une villa en bord de mer à Corfou. Les enfants se réjouissaient et moi je rêvais d'une salle de bains.



Le passage de la frontière grecque fut une épreuve inattendue: les douaniers exigèrent de fouiller les malles sur le toit de la Peugeot ! La Grèce était dans l'Union européenne depuis deux ans mais le pays n'était guère moderne, surtout dans cette région; l'asphalte disparaissait dès l'entrée des localités et les voitures dégageaient des nuages de poussière. Nous prîmes le bateau pour Corfou à Igoumenitza pour atteindre le port de la ville de Corfou fin de l'après-midi. Pas de chance, l'agence de location où nous devions recevoir les clés de notre villa était fermée.



Heureusement je possédais l'adresse de la villa; une heure de route défoncée le long de la côte, pour découvrir que les précédents locataires étaient toujours là... Il y avait confusion, vérifiable sur les documents: en Belgique j'avais loué d'un vendredi à un vendredi, et eux, des Italiens, avaient loué d'un samedi à un samedi...Ils eurent pitié des enfants et s'en allèrent mais nous héritâmes d'une villa en désordre et pas nettoyée. Ce sera ma toute dernière expérience de location.



De la terrasse on voyait la mer, mais elle était loin! Tous les jours, expédition pédestre avec tous les jouets et pénible remontée au retour. Ce fut quand même une belle semaine pour les enfants, et pour moi du repos. C'est là que Jérôme découvrit son horreur des feuilles de vigne farcies. IL n'y avait toujours pas de viande dans les magasins mais les petits restos avec brochettes et moussaka étaient nombreux et bon marché.



Nous avons parcouru l'île en tous sens - les routes étaient un festival de nids de poule - et visité l'Achilleon, le palais de la belle impératrice Sissi, qui affectionnait cet endroit. Soleil, amabilité des gens, sanitaires modernes dans notre villa, nous étions réconciliés avec le monde.

Un goût d'Orient




La demi-inconsciente que j'étais n'avait prévu ni les difficultés d'approvisionnement, ni le délabrement des infrastructures, ni l'état des routes ! Sinueuses à souhait, état lamentable, trafic irresponsable et indications en cyrillique ! Le résultat m'obligea à revoir mon programme à la baisse et à renoncer à Mostar et à Serajevo. Je ne pouvais deviner qu'avec la future guerre je n'aurais plus jamais l'occasion de voir le pont de Mostar avant sa destruction.


Dubrovnik nous éblouit; il y avait quelques touristes (venus de Venise en bateau pour la plupart), des restaurants en terrasse, des guinguettes, bref un air plus familier; Toni, un jeune homme qui nous fit la conversation, apprit notre destination avec consternation: le Montenegro et le Kosovo, pour atteindre Skopje, la ville principale de Macédoine. A cette époque tous ces pays maintenant indépendants faisaient partie de la Yougoslavie. Il nous mit en garde " rien que des voleurs". Nous percevions mal les antagonismes religieux, Serbes orthodoxes, Croates catholiques, Kosovars musulmans. La terrible complexité de ce pays nous apparaissait diffuse et incompréhensible.


Nous avons dormi à Kotor, dans un camping digne d'un goulag, à deux pas de l'ïle Stevi Stefan, qui abritait à l'époque un luxueux club Med très fermé; le Montenegro se révéla montagneux, sombre, désert et sale; presque en panne de carburant à Pec, j'eus toutes les peines du monde à me faire servir par un Musulman qui voulait voir mon alliance (que je ne portais evidemment plus) et qui réunit tout le quartier autour de notre Peugeot; la visite du très beau monastère orthodoxe fut interdite aux garçons en short; dans la ville, ambiance orientale, souks bruyants et bariolés, charrettes tirées par des chevaux, femmes voilées, commerçants roublards (mais je connaissais les prix); les hommes entourèrent la voiture pour la jauger, estimant les pneus et les différents accessoires, sans faire attention à ma présence; Delphine et Marie, terrorisées, ne voulurent pas sortir de la voiture. Expérience d'une société arriérée fermée au monde. Je n'insistai pas, renonçai à Pristina, et mit le cap sur Skopje. Le camping y était dantesque, crasseux et bourré de routards occidentaux guère plus propres que les natifs : étape sur la "route"vers la Turquie et les paradis d'Asie. Skopje était une ville sinistrée par un grave tremblement de terre et reconstruite selon les plans communistes, grise et triste, pleine de militaires. Tous ces noms magiques sur les cartes se révélaient dans leur réalité crue.


dimanche 27 janvier 2008

La côte dalmate




Adieu Venise; bref arrêt à Miramar (j'en aurai vu des châteaux dans ma vie !) puis passage de la frontière yougoslave (long et pénible): c'est la première fois que nous pénétrons en pays communiste.


La Yougoslavie (qui n'était pas encore divisée en plusieurs pays indépendants comme à l'heure actuelle) passait pour un pays libéral par rapport aux autres nations à l'est du rideau de fer. Cependant, sur le plan économique, c'était un désastre, surtout pour nous qui, sans transition, venions de l'Italie prospère. Quand par hasard nous trouvions un magasin, s'il y avait du lait, il n'y avait pas de beurre, ou inversément; pas de pain frais et nesquick introuvable (pauvre Jérôme); viande uniquement dans les restaurants (heureusement bon marché); nous avons fait une cure de saucisses en boîte et c'est de cette époque que datent les concours de pommes de terre à l'eau: les champions étaient Benja et Delphine. Le drame fut la fin de le bonbonne de gaz, trouver une recharge relevait de la science-fiction ! Et pourtant... un petit bricoleur nous remplit notre petite bonbonne à partir d'une bonbonne géante qui alimentait un bloc de maisons. A partir de ce moment je voyagerai toujours avec deux bonbonnes !


Tout cela nous amusait énormément; le pire était la saleté. La côte dalmate était une splendeur transformée en latrine à ciel ouvert. Pas un buisson, pas un recoin de rocher, pas un point de vue où l'on pouvait poser les pieds sans danger...Quant aux sanitaires des campings et même des restaurants, ils semblaient atteints récemment par une bombe, ou définitivement bouchés, de toute façon inutilisables. La mer était d'une magnifique transparence, et la terre honteusement souillée. Nous avons campé à Senj, dans un décor splendide, mais dans des conditions pour le moins difficiles. Aussi, arrivés dans une petite localité nommée Grebastica, quand nous avons vu une pancarte "à louer" pour un petit appartement dont le balcon donnait sur la mer, je n'ai pas hésité, d'autant plus que le prix était dérisoire. Ce paradis avait des vices cachés: chauffe-eau hors d'usage, chasse d'eau capricieuse, lits sans matelas, mais nous y avons quand même passé un bon séjour. J'ai acheté un bateau gonflable qui faisait la fierté des garçons; côté culture, la ville de Zadar, toute proche, était une petite merveille de vestiges paléochrétiens; on trouvait encore des artisans qui fabriquaient de ravissants bijoux en argent et les touristes étaient aussi rares que les toilettes fonctionnelles.

samedi 26 janvier 2008

La Sérénissime


Etape suivante: Venise. Nous avons trouvé un camping au Lido, et j'ai laissé les enfants s'amuser à la plage, mais j'ai remarqué qu'au bout de deux jours, ils s'ennuyaient autant que moi ! Alors on a pris un bateau pour visiter la ville, un véritable enchantement, mais très coûteux pour ma bourse presque plate; même l'entrée de StMarc était payante... Faut dire que tout était à multiplier par cinq ! Et pourtant, à part les musées et les îles, nous avons épuisé toutes les attractions touristiques indispensables: basilique St Marc, palais des Doges, Campanile, tour en gondole et même apéro au Florian !

Aux sources de notre culture




L'enjeu de l'expédition 83 était ambitieux: le Parthénon, rien de moins; pas d'une traite, bien sûr, on allait faire de nombreuses étapes culturelles en chemin. On avait 6 semaines devant nous. Avec le recul, je pense que je possédais une grande dose d'inconscience. Nous avons perfectionné le matériel, c'est-à-dire acquis une petite canadienne pour les garçons, mais nous, les filles, nous avons continué à dormir dans la vieille tente de mon père, d'une solidité à toute épreuve, mais extra-lourde, difficile à monter et n'offrant qu'un abri médiocre en cas de pluie. Tout le matériel se hissait sur le toit de la Peugeot, et les enfants s'entassaient à l'intérieur, partageant l'espace avec les provisions et les menus bagages; cette année-là on a gagné une place, car Manu ne nous a pas suivis, elle séjournait dans le Devon pour perfectionner son anglais.

Première étape: les châteaux de Bavière, Neuschwanstein et Howenshwangau

le virus s'installe







En attendant la prochaine expédition lointaine (je passe l'hiver sur les cartes, comme mon père), nous ne restons pas inactifs; nous prenons l'habitude d'une escapade à chaque vacances scolaires. Pour 82-83, Amsterdam, un village de vacances en Hollande (les enfants aiment mais moi je m'y ennuie) et un séjour sur notre bonne vieille côte, où le climat est si vivifiant...



vendredi 25 janvier 2008

La Provence



Nous avons quitté la Costa Brava sans regret; Collioure ne vaut pas mieux: foule et campings bondés; nous reprenons la route vers la Provence.


Pont du Gard, moulin de Daudet, Avignon, Arles, Nîmes, Les Baux, ruines de Glanum, tout y passe; et nous terminons par les Saintes-Maries-de-la-Mer, où règne un vent dément, qui pousse le sable dans les sacs de couchage et les assiettes...




Au retour arrêt culture à Vézelay; ce périple a duré plus d'un mois !


Désormais je sais que camper à l'aventure avec les enfants est possible; aussi je prépare déjà dans ma tête des parcours plus originaux pour 1983... à suivre

La Costa Brava


André P. nous a invités à passer quelques jours à Palamos, sur la Costa Brava; comment résister à l'attrait de passer une frontière ? C'est la première fois que je vais en Espagne, et bien entendu je suis déçue; la vie de la colonie belge à Palamos se résume à boire, manger et sommeiller sur la plage... pas notre style ! Nous restons cependant 3 jours, car les enfants veulent nager, surtout Benja qui a joué de malchance; on lui a retiré son plâtre à Pau, et le médecin a conseillé la piscine; évidemment il s'est blessé en sautant et arbore trois points de suture sur l'épaule; je lui retire moi-même les fils, qu'il puisse jouer avec son nouveau tuba.

Avec maman, pas moyen d'éviter la culture: on visite les ruines d'Ampurias.

Gourette et les Pyrénées


Après les châteaux de la Loire, nous continuons notre route jusqu'au hameau de Gourette, au pied du col d'Aubisque, dans les Pyrénées; j'y ai loué un appartement pour une semaine, à un prix compétitif; ce sera ma première et dernière expérience de ce type, appartement médiocre dans une tour sans âme; c'est mieux le camping ! Côté activités, on visite toute la région, Lourdes, Gavarnie, la parc national d'Ordesa dans les Pyrénées espagnoles, on randonne chaque jour; le plus casse-cou est Benja, qui pourtant a le bras plâtré, parce qu'il a sauté dans un fossé comme Rambo au camp du patro, juste avant de partir.

première expédition avec la Peugeot !


En 1982, divorcée depuis un an, je dispose pour la première fois de deux mois de vacances, vu que je suis prof... Comme j'ai plus de projets que d'argent, je récupère la vieille tente des années cinquante de mes parents et j'acquiers des malles à attacher sur la galerie de la Peugeot 504, qui comporte trois séries de sièges; Manu à l'avant, les filles au milieu, et les garçons à l'arrière. C'est dans cet équipage que nous visitons les châteaux de la Loire, camping et cuisine sur un petit réchaud; pour la vaisselle et la corvée d'eau, alternance de jours des filles et des garçons...

jeudi 24 janvier 2008

L'Autriche de Mozart


Les enfants grandissant, nous avons délaissé les plages pour des sites plus variés, mais toujours en France (Vosges, Jura, Massif Central) ou au Grand Duché (Berdorf), et généralement en gîte ou en camping. En 1979, c'est la première grande aventure - encore très limitée - location d'un chalet tout confort en Autriche, près de Salzbourg. On randonne dans les montagnes toutes proches, on visite la maison de Mozart (réveil de la bête à musées qui sommeillait en moi), on baragouine quelques mots d'allemand, on découvre les wienerschnitzels (pour les adopter définitivement). Inutile de préciser qu'il a plu les 3/4 du temps.

Période d'incubation
















Un jour je me suis mariée et le goût des voyages a été mis en veilleuse pour un petit temps, car je me suis surtout consacrée à repeupler la planète.



Une fille puis deux; et nous nous sommes vaillamment mis à fréquenter les lieux où règne le bon air.



Ensuite deux garçons et encore une fille sont venus s'ajouter à cette belle tribu; jeux de sable à la côte belge, en Bretagne et même dans les Landes; location de maisons, d'appartements et... camping: toutes les formules ont été optimisées avec plus ou moins de succès.


Parfois, pour s'amuser, il suffisait de rester à la maison !
Mais tout au fond de moi dormait l'attrait de l'inconnu.







mercredi 23 janvier 2008

Le poids de l'hérédité

A Saint-Malo, 13 ans, appel du large
Perros-Guirec, déjà le goût des vagabondages à pied
En Provence, camping, avec la cousine Annie, qui parvenait toujours à se blesser et à me faire punir
Déjà scribouillarde

Mon père passait toutes ses soirées d'hiver penché sur les cartes, si bien qu'il voyageait toute l'année; il s'est toujours limité à la France, mais à l'époque - les années cinquante - c'était déjà l'aventure, surtout qu'on pratiquait le camping, dont les infrastructures étaient balbutiantes.
Je suis donc "tombée dedans", comme Obelix, et dès l'enfance j'ai rêvé d'ailleurs, étudiant les cartes des livres de géographie, dont les couleurs affublant chaque pays me fascinaient. A cette époque je voulais devenir marin, une de mes nombreuses vocations contrariées.
Virginie